vendredi, décembre 6, 2024

La lettre COMBLAB : Résilience – Résistance – Modernité

Notre lettre d’avril 2022 a promu et explicité l’idée de résilience. Nous nous en félicitons car c’est bien à la résilience d’un territoire rural – les Combrailles – que nous nous efforçons de contribuer. A force de manier ce concept et de chercher à le mettre en œuvre concrètement, deux autres valeurs abstraites se sont progressivement imposées : la résistance et la modernité. Alors, tentons de clarifier l’entrelacement de ces trois termes.

En son temps, nous avons joint nos propos à ceux du Cisca en affirmant que faire œuvre de résilience consiste, lors de la survenue d’un événement déstabilisant un équilibre établi, à : « résister, rebondir et tirer des enseignements de la situation traversée ».

Ici, résistance revêt plusieurs sens. En particulier, puisque nous posons que ‘’tirer des enseignements de la situation traversée’’ est un objectif, il va de soi qu’il faut résister à l’apathie qui savonne la planche menant au fatalisme et, au contraire, faire place à la lucidité, au discernement, afin de se donner tous les moyens de rebondir. Si cela semble aller de soi, ce n’est pourtant pas si simple car résister c’est d’abord admettre la mise en difficulté. Dès lors, on pourrait s’en tenir à résister dans le sens de faire opposition. Attitude très en-deçà de l’idée de résilience. Faire acte de résistance désigne ici la prise de dispositions d’urgence pour parer au mieux face à ce qui arrive.

Mais peut-être faut-il un peu de temps pour saisir que la résistance se dresse aussi comme refus de tout retour à la situation qui prévalait antérieurement à la déstabilisation. Autant parer les dégâts au moment du choc relève d’une évidente résistance réflexe, autant rester à distance du retour à l’antériorité lors du retour de fatigue post-traumatique, requiert un réel effort et donc le soutien d’autrui. En prenant quelques secondes pour y réfléchir, on mesure la mobilisation requise pour cette résistance face à soi-même.

Après avoir rappelé la portée de résilience et avoir procédé à l’examen de deux axes qui établissent la relation de solidarité entre résilience et résistance, un nouveau mot vient de s’introduire dans notre raisonnement : ‘’autrui’’. Son apparition rappelle qu’on ne se sort pas seul d’une circonstance déstabilisante surtout lorsqu’elle entraîne des conséquences en chaîne. Se pose alors une question rarement éclairée : avec le soutien, voire l’accord, ou même avec les encouragements d’une aide extérieure, quelle sera l’attitude de la personne ou du groupe amené à déployer les éléments d’une résilience ?

Décider de nourrir la résistance qui protège du retour à la situation initiale, oblige à examiner aussi l’éventualité de vouloir faire table rase du passé pour aller résolument vers un avenir meilleur parce que plus protecteur. Et pour parer à tout risque d’erreur, nous sommes désormais assistés de logiciels d’aide à la prise de décision. Ces outils extrêmement performants constituent des aides majeures pour la période transitoire dans laquelle nous sommes tous engagés. Toutefois, la relation que nous entretenons avec eux s’avère stratégique, voire vitale.

Car, si des logiciels auto-apprenants assistent les sociétés humaines dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’élimination des pesticides et la fin de l’extractivité massive, ils tendent à réguler – pour ne pas dire à gouverner – la société émergeante par du pur calcul intensif faussement nommé intelligence artificielle. Est-il rationnel de déposséder la conduite des affaires de la cité de toute sensibilité humaine ?

Au XVII° siècle, l’horizon théologico-religieux battît en retraite, Galilée installât le soleil au centre de notre ciel et l’idée d’avenir éclipsât le temps cyclique. Ainsi apparurent la modernité et ses promesses de progrès. Après les cataclysmes du XX° siècle et l’épuisement de la croyance dans le progrès infini, s’engager en résilience sans retour vers un passé révolu, est-ce participer à une correction de trajectoire de la modernité inachevée ou bien entrer dans une ère post-moderne ?

La morale de cette petite réflexion peut s’énoncer ainsi : décider une démarche individuelle, collective, locale de résilience impose, pendant que la situation initiale reste encore tenable, de penser les paramètres de la résilience à laquelle on prétend. Car, nous l’avons vu, tirer enseignement de l’évènement consiste à articuler ensemble le triptyque résilience, résistance, modernité, pour construire une réelle dynamique porteuse d’avenir au bénéfice de tous.

A Comb Lab, il nous semble que prétendre développer de la résilience dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, de l’industrie, de l’alimentation, n’a de sens que si ces concepts de base sont préalablement débattus entre parties-prenantes.

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