jeudi, mars 20, 2025

La Lettre Comb Lab : Mutations globales ; Échelles locales

Changement climatique, géopolitique, technologies de pointe ; notre lettre précédente posait la question de l’écart entre les grandes mutations en cours qui impliquent l’ensemble de la biosphère et les actions menées aux échelles locales. Aucun territoire ne peut prétendre s’exonérer des effets de ces transformations de très grande ampleur. Alors, concrètement, selon quels critères et quelles influences indirectes arbitrer les concurrences d’usages de l’eau, des sols et de la forêt ? Quelles dispositions locales existent ou doivent être prises ?

Précisons d’abord que les dispositions existantes s’avèrent souvent oxymoriques : elles sont à la fois indispensables et contre-productives. Indispensables, donc parfaitement bienvenues, parce que répondant à des nécessités environnementales impérieuses. Contre-productives car généralement sectorielles. L’électrification du secteur automobile ne rétroagit pas sur les largages de dioxyde de carbone provoqués par les coupes rases qui amputent les massifs forestiers. Pis, l’extraction de métaux rares relargue du carbone stocké dans le sol tout en captant et polluant les eaux sous-terraines. Oxymore car la contradiction avec la recherche de décarbonation des transports individuels est directe.

Or, le dépassement des limites planétaires ne se traite pas sectoriellement mais selon une approche systémique. C’est-à-dire qu’un problème dans un secteur rétroagit dans tous les autres domaines, chacun d’entre eux rétroagissant sur le premier et tous les autres secteurs : assèchement des sols, acidification des océans, perte de biodiversité dans les airs, dans les zones humides, à l’intérieur des sols, etc.

Et pourtant… la diffusion électronique de ce texte et sa lecture sur l’écran de l’ordinateur ou du téléphone imposent la poursuite de l’extractivité minière, microprocesseurs obligent. De même, la sortie de la dépendance au carbone fossile pour se chauffer impose des coupes d’arbres pour produire bûches, pellets et granulés. Notre mode de vie s’avère-t-il insolvable ou la question est-elle mal posée ?

Depuis que la réalité du changement climatique a pénétré les consciences, le débat sociétal s’oriente vers la difficile acceptabilité sociale des mesures à prendre pour articuler la réalité physique des limites planétaires avec un mode de vie universellement décent.

Perspectives n°13 | Environnement : pas de justice sociale sans justice environnementale
Groupe 3E

Autrement dit, il s’agit d’articuler justice environnementale avec justice sociale. Problème d’autant plus immédiat que notre position à l’extrémité de la chaîne alimentaire nous place en premières victimes de la perpétuation de l’équation ‘’limites planétaires / extractivisme-pour-un-confort-de-vie-maximal’’.

Tout le monde a bien compris depuis longtemps que les mobilisations pour la gestion raisonnable des écosystèmes et le maintien des activités humaines à l’intérieur des limites planétaires n’engendre aucune plus-value électorale ou boursière. Le bruit de fond issu de la volatilité des marchés, de la belliqueuse recomposition géopolitique et des usages débridés des réseaux numériques couvre la conscience de l’urgence d’agir.

Face à cette forme de fuite en avant, nous pensons, avec beaucoup d’autres, qu’il faut informer sans relâche autour de soi. Informer sur les effets du changement climatique et de la perte de la biodiversité dans nos quotidiens. Informer sur les conséquences sociales de l’inaction dans les zones urbaines, ainsi qu’en ruralité. Informer du coût financier de l’inaction. Informer pour que la conjugaison de la justice environnementale avec la justice sociale devienne la priorité absolue dans le débat public. Aussi, avec nos partenaires, nous poursuivons la réalisation de vidéos pour continuer d’informer sans limite d’espace et de temps avec la Mallette des Combrailles. Les prochaines traiteront de la biodiversité du sol et du tourisme durable.

Sur le terrain, Comb Lab participe avec une comcom des Combrailles à l’émergence de mobilités alternatives dans le cadre de la Fabrique départementale des transitions. Dans une autre comcom du territoire, nous animons avec les écoles primaires de trois communes, la création d’un jardin pédagogique arboré. En ce début octobre, nous participons à une journée ‘’bien manger’’ lancée par un Centre communal d’action sociale. Nous y sensibilisons les scolaires et le grand public à la relation intime entre diversité de l’alimentation et biodiversité du sol.

Nous accordons une importance particulière à notre engagement dans le déploiement du Programme alimentaire territorial (PAT) des Combrailles. En effet, la condition préalable à toute action visant l’atténuation des dégradations de la biosphère est l’accès universel à une alimentation suffisante en quantité et en qualité. L’économiste irlandais Philip Pilkinson notait dans une étude publiée le 5 juillet 20231 : « Lorsque les gens ne mangent plus aussi bien qu’avant, le mécontentement et l’agitation croissent. » L’auteur ramasse son propos en une formule choc : « Trois repas séparent la civilisation de la barbarie ».

Conscients de la prégnance des enjeux alimentaires posés par le changement climatique et la perte de la biodiversité, nous nous sommes engagés dès la première heure, parmi un collectif d’organisations citoyennes piloté par le Cisca, pour contribuer au déploiement dans le département d’une modalité expérimentale de sécurité sociale de l’alimentation.

Toutes ces actions concrètes et utiles entrent dans la recherche action ‘’résilience territoriale’’ financée par l’Ademe (protection de l’environnement et maîtrise de l’énergie) et conduite avec nos amis du Cisca (Centre d’innovation sociale Clermont Auvergne).

Compléter la Mallette, mener à bien notre recherche action, participer avec différents exécutifs locaux et regroupements d’associations aux dynamiques lancées dans le territoire des Combrailles, impliquer Comb Lab dans les initiatives concrètes innovantes. Telles sont nos réponses pragmatiques aux deux questions avec lesquelles nous avons ouvert cette lettre.

3 réflexions sur “La Lettre Comb Lab : Mutations globales ; Échelles locales

  • Guy Rugemer

    Mangera bien qui mangera en société. Nourrissons la Nature, telle la fourmi choyant sa fourmilière.
    Une compréhension bientôt se fera jour en nos consciences, que l’abondance découle du partage. Et qu’aucune avanie ne peut aliéner l’élan de complexification et d’interdépendance des êtres.

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  • Thirion Claude

    Dans quelle commune un jardin pédagogique arboré est-il en cours de création impliquant l’école primaire de 3 communes ?
    En espérant que ce jardin soit créé avec des essences locales, et des arbres fruitiers de variétés locales.

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    • Bonjour,
      Ce jardin se situera sur la commune de Biollet.
      L’équipe Comb Lab

      Répondre

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