La lettre COMB LAB : Les algorithmes : fabrique des territoires éphémères de demain
Chacun semble s’approprier naturellement le territoire et pourtant ce territoire tant convoité échappe désormais à tous. Un nouveau précurseur de contours, prédateur de la pensée classique, surgit à grands bonds comme sorti du néant : le territoire de l’intelligence artificielle.
Géographe, sociologue, économiste, statisticien, juriste, politologue, philosophe, anthropologue … ont régulièrement visité ce concept pour tenter d’en comprendre les mutations.
Le terme même de territoire est source d’ambigüités parce qu’utilisé tel un sauf-conduit légitimant les projets que l’action publique revendique. Le concept de territoire est tantôt résultat, tantôt hypothèse au gré des fonctions recherchées.
Le territoire, le territoire, le territoire … et encore le territoire !
« Il est l’objet de toutes les attentions depuis une vingtaine d’années parce qu’il est au centre des représentations que nous nous faisons de la complexité qui nous entoure ». (Moine, 2012, p.29).
Le territoire est d’abord une « portion d’espace terrestre envisagée dans ses rapports avec des groupes humains qui l’occupent et l’aménagent en vue d’assurer la satisfaction de leurs besoins ». 1
Mais la multiplicité des acteurs investis de pouvoirs sur des territoires entrelacés, pousse à l’affirmation : à chacun son territoire ! « Et ainsi, petit à petit tout devient territoire, l’adjectif se généralise, à en devenir polysémique ». (Moine, 2012, p.29).
Pourtant Marie-Christine Jaillet (2009, p.116) interroge les certitudes de chacun en rappelant que le territoire est pluriel et complexe. « Dès lors que chacun a une bonne raison de faire référence à son territoire, on peut se demander si en dernière instance, il existerait un territoire plus pertinent que les autres, un territoire qui serait le bon,ou s’il ne faut pas accepter, loin de toute vision rationaliste et simplificatrice, de jongler avec les territoires à géométrie variable, au gré des enjeux et des rapports de force ».
Implosion du territoire ou improbable résilience de la fabrique des territoires : une nouvelle ère se profile : celle des usages et des algorithmes.
Le recours aux données numériques chaque jour plus abondantes introduit inexorablement de nouveaux acteurs dans l’architecture territoriale : les usagers de services disponibles et les « inventeurs » d’offres virtuelles avec le concours des data scientist.
Les territoires deviendront alors des séries d’algorithmes bombardés d’informations. Transformation systémique majeure car l’action publique a besoin d’ancrages territoriaux alors que les périmètres virtuels sont avant tout des anticipations pour des réponses opportunistes « hors sol ». C’est ainsi que la notion même de distances et de déplacements est interrogée.
Tout comme le climat, le territoire se « dérègle » selon des mécanismes non maîtrisés alors même que les territoires institutionnels tentent de se réaffirmer comme l’énergie durable du système.
L’approche par les usages plaide pour un changement de paradigme démocratique avec de nouvelles temporalités intégrant le citoyen-usager-habitant-consommateur-contribuable, décideur final du périmètre de satisfaction de ses besoins et prescripteur de transformations systémiques.
En cela COMB LAB et le Laboratoire d’Idées sont à la fois, observateurs des transformations dans les Combrailles et initiateurs de démarches d’intelligence collective dans de nouveaux partenariats. La transversalité des questionnements émergents va inévitablement mettre en écho non plus des territoires mais des objectifs partagés, défiant les plus puissants des algorithmes asservis par le consumérisme. COMB LAB, incubateur sociétal, enracine sa démarche dans les « bonnes pratiques locales » et dans sa détermination à transformer l’habitant-citoyen en habitant-acteur de son quotidien. Le territoire des institutions devra faire preuve de résilience et désynchroniser ses temps de mutation de son horloge électorale.
1 Définition donnée par Bernard ELISSALDE dans Hypergeo.