La lettre Comb Lab : Du campisme au compromis

Toute honte consommée, et sans consultation des corps intermédiaires, la Commission européenne et les autorités françaises renvoient à plus tard – pour ne pas dire abandonnent – le Pacte vert de l’Europe (Green Deal) ainsi que l’application de la directive européenne sur le devoir de vigilance ((Corporate Sustainability Due Diligence Directive). Certes, les prétentions impérialistes de la Chine et des États-Unis ainsi que la menace russe, pèsent massivement et durablement sur les politiques des États européens. Pour autant, l’énoncé de ces reculs ne cache pas le soulagement des dirigeants prônant sans barguigner le renvoi des normes et directives protégeant l’environnement et les travailleurs des pays lointains. En effet, face à l’inconfort économique, la réponse du plus faible ne semble connaître d’autre alternative que libéraliser son économie.
Ces reculs coupables engagent la responsabilité des décideurs face à l’impératif climatique. Surgit alors le risque de conforter des postures de résistance dure, majorant invectives et violences au sein de la société alors que l’urgence est au rassemblement des forces vives en vue d’établir la ‘’société d’au-delà du choc climatique’’. Douce utopie ? Soit. Mais la réalité s’impose par-delà les positionnements politiques et économiques. Au placement le 24 mai dernier des « départements du Nord et du Pas-de-Calais en vigilance sécheresse »1 dû au lourd déficit de pluie et à la persistance de vents séchants, succédait le 29 mai la submersion du village suisse de Blatter, par la fonte puis le dévalement du glacier le dominant, les communes situées en aval restant sous la menace d’épisodes supplémentaires2.

Les renonciations européennes et nationales à la mise en œuvre les dispositions relatives à l’atténuation du réchauffement climatique global témoignent donc une fois encore de la difficulté des communautés humaines à croire ce qu’elles savent. Illustration datée du 17 mai 20253 :
« Un été caniculaire nous attend, c’est ce que montrent les modélisations actuelles du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) et le modèle météorologique américain Climate Forecast System (CFS). Les mois de juin, juillet et août devraient être plus chauds et plus secs que la moyenne.
Des anomalies dans le mouvement de la chaleur entraînent son accumulation qui se répercute sur l’atmosphère. En accord avec les prévisions du CEPMMT, les chercheurs s’attendent donc à un été caniculaire cette année. L’étude a également révélé que l’accumulation de chaleur est « un indicateur fiable pour les futurs étés caniculaires ».
Au printemps 2025, un phénomène météorologique est apparu de manière inhabituellement précoce, écrit le « Frankfurter Rundschau » en se référant au météorologue Dominik Jung. Un anticyclone dit « oméga » bloque les systèmes météorologiques et entraîne des situations météorologiques stables, sèches et chaudes. Ce phénomène pourrait en outre renforcer les vagues de chaleur. »
Eu égard à la dure réalité du réchauffement climatique, à toutes les impasses d’économie politique et aux raidissements idéologiques qui les accompagnent ou les combattent, nous postulons la nécessité de la pratique du compromis. Souvent confondu avec la compromission, le compromis désigne un processus de concertation où chaque partie prend connaissance des contraintes et intérêts contradictoires qui mobilisent les acteurs concernés par une problématique commune ; ici, la résilience d’un territoire plus ou moins vaste.
Certaines situations s’avèrent faciles à résoudre. Pour d’autres, au contraire, la recherche du compromis peut s’avérer redoutable et le consensus vraiment difficile à atteindre. Dans tous les cas, chacun fait une partie du chemin pour parvenir à une situation d’équilibre certes insatisfaisante mais nécessaire. Pensons par exemple à la question de l’artificialisation ou de la non-artificialisation des terres en zones rurales : comment concilier la nécessité de bâtir pour loger les populations et abriter leurs activités avec le maintien d’une agriculture nourricière et l’exploitation des massifs forestiers pour fournir la filière bois ?

Convaincus de la supériorité du compromis sur les positions rigides et binaires, c’est-à-dire sans concession tant du côté du libéralisme économique que de l’exigence écologique, nous procédons à des séances de ‘’jeux sérieux’’4, grâce à la plateforme GAMAE développée par l’INRAE Clermont Ferrand et l’UMR Territoires ainsi qu’au Centre d’innovation sociale Clermont Auvergne.
Quelles que soient les convictions qui animent les participants, ces jeux sérieux invitent à la pratique de la concertation. Les participants voient ainsi l’impact de chaque type d’activité, les intérêts socio-culturels, les vecteurs d’emplois, toutes les autres dynamiques qui font la vitalité d’une localité. Ces situations de jeux permettent à chacun de découvrir les compromis – formels, informels, sous-jacents – déjà à l’œuvre dans un territoire donné. Ces jeux éclairent l’évolution des compromis et, au-delà du saupoudrage de participatif, débouchent sur la proposition d’actions concrètes et la mise en œuvre de ces actions.
En période de tensions exacerbées pour cause de panique géo-économique à grande échelle, notre propos consiste bel et bien à délaisser l’enfermement dans le dualisme stérile des idéologies irréconciliables au profit de la pratique de la concertation et du compromis en tant que chemin de pacification des conflits d’intérêts.
Aussi nous convions citoyens, élus et acteurs divers, aux séances de jeux sérieux des 5 juillet, 9 août et 13 septembre. Centrées sur la concertation et le compromis du territoire agricole de proximité, ces sessions de trois heures permettront à chacune et chacun de découvrir des dynamiques inaperçues de la vie locale et de décider des partenariats à mobiliser pour passer à l’action concrète.
Informations pratiques et inscriptions
Bon été à chacune et chacun et au plaisir de vous retrouver à votre poste de lecture de notre lettre de septembre prochain.
1 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/05/24/le-nord-touche-par-une-secheresse-severe-et-precoce-les-plantes-sont-en-periode-de-croissance-c-est-catastrophique_6608177_3244.html
2 Ensevelissement du village de Blatten en Suisse par fonte d’un glacier.
Le Temps, Genève : «Un avertissement à tous les pays alpins »: à l’étranger, Blatten est devenu le symbole du déclin des glaciers
3 Blick 17 05 2025.
4 https://gamae.fr/plateforme/
