La lettre Comb Lab : Convivialité de proximité
Ce 4 mai se tenait à Blot l’Église (63440) la deuxième édition du Festival des possibles organisé par la communauté de communes de Combrailles Sioule et Morge. Producteurs, associations, élus locaux et acteurs du territoire dans leur diversité ont bavardé, bu un verre, échangé des avis sur mille et un sujets, participant à l’émergence d’intelligence collective. À l’évidence, ces temps forts de la convivialité de proximité favorisent les discussions informelles entre personnes aux horizons et opinions diversifiées. Elles abordent des sujets dont les enjeux concernent toutes les échelles géographiques. Prenons deux exemples :
1. Tout le monde peut constater les décalages des saisons. L’an passé, l’automne s’allongea tardivement. Tout récemment, un retour insistant du gel nocturne a suivi le gros coup de chaleur de la mi-avril. Certes les fruitiers n’ont pas apprécié. Plus discrètement, « les arbres aux racines peu profondes de même que les herbes des prairies, verdissent plus tôt, perdent beaucoup d’eau et deviennent plus sensibles à la sécheresse estivale que les plantes aux racines profondes. »1 Au-delà des opinions et convictions personnelles, ces réalités tangibles concernent tout le monde via la fertilité/productivité des sols qui régit notre chaîne alimentaire.
Les marchés mondiaux ne résoudront pas tout car depuis plusieurs semaines, l’Asie du Sud-Est subit des températures atteignant les 40, voire 45 degrés. Situation à suivre de près sachant que l’hémisphère nord, et particulièrement le continent européen, est la région qui se réchauffe le plus vite. En 2022, l’augmentation de 4 degrés de la température passait d’hypothèse à réalité en Auvergne.
2. Dès la dernière décade du mois d’avril, le Canada affrontait ses premiers feux de forêt.2 Outre la perte – au moins temporaire – de précieux puits de carbone, cette précocité des grands feux renvoie aux études menées à la suite des très grands feux australiens de 2021.3 Elles révèlent notamment que les masses de fumées composées de carbone, d’eau et d’autres composants, s’élèvent jusqu’à la stratosphère (15 à 19km d’altitude), phénomène qui perturbe à son tour les couches basses de l’atmosphère. Dit autrement, nos territoires subissent pleinement ces catastrophes lointaines.
En l’absence à ce jour de rupture majeure dans notre environnement proche, nos habitudes quotidiennes conservent leur statut de repères fiables et nos comportements restent figés malgré la propagation de l’éco-anxiété dans la population. Or, le 18 avril dernier, Anders Levermann, chef du département de recherche sur les sciences de la complexité à l’Institut de Potsdam publiait une étude d’où il ressort que ne rien faire face au changement climatique, à la perte de biodiversité et à l’acidification des océans coûtera six fois plus cher que les coûts d’atténuation nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 2°C.4 Concrètement, cela entraînera une diminution du revenu français de 13% au cours des prochaines années. Chiffres d’autant plus inquiétants que ces estimations ne s’appliquent qu’aux émissions passées !
Ces études économiques, complètent les travaux scientifiques qui ne cessent d’alerter sur l’urgence de réorienter les politiques publiques. En vain. Le 18 avril dernier, Enrico Letta présentait au Conseil européen son pacte de compétitivité5 pour l’Union européenne. Totalement construit sur l’élargissement de la libéralisation des marchés et leur financiarisation accrue, nous allons assister à la mise de côté du pacte vert de l’Union et par voie de conséquence à l’abandon de la loi énergie-climat en France.6
Jeunes et vieux peuvent joindre leurs voix au collectif qui, le 18 avril, titrait ainsi une tribune dans Le Monde : « Une défiance grandissante s’installe dans notre communauté scientifique vis-à-vis du pouvoir politique. »7
Revenons à cette journée du 4 mai évoquée en ouverture de ces lignes. Ce type de dynamique de proximité facilite la rencontre, voire même l’engagement, des personnes inquiètes des mécanismes atmosphériques et océaniques irréversibles, de rencontrer, voire s’engager dans les associations qui œuvrent dans ce domaine et, bien entendu, de participer aux groupes de travail des plans climat air eau territoriaux, des contrats d’objectifs territoriaux et des schémas de cohérence territoriales initiés par les collectivités.
Par suite, les mises en commun des retours d’expériences par les élus locaux et la société civile organisée, permettent le partage de connaissances et leur fructueuse amplification. Effet de levier dont les politiques publiques de proximité bénéficient instantanément. La collaboration des acteurs de terrain avec les élus locaux constitue LA garantie pour maintenir un territoire viable, vivable et résilient.
1 Jadu Dash, professeur de télédétectionn géographie et sciences de l’environnement à l’Université de Southampton. . https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/planete/quel-est-limpact-du-changement-climatique-sur-les-saisons/
2 https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/23/le-canada-doit-faire-face-en-avance-a-ses-premiers-feux-de-foret_6229359_3210.html
3 CNRS https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/inquietantes-repercussions-des-feux-de-foret-australiens-de-2019-2020-sur-la-stratosphere
Nature 13 07 2021 : https://www.nature.com/articles/s41612-018-0039-3
4 https://www.novethic.fr/environnement/climat/climat-les-emissions-passees-vont-imputer-nos-revenus-de-20-dici-2050
5 https://legrandcontinent.eu/fr/2024/04/18/beaucoup-plus-quun-marche/
6 https://www.novethic.fr/environnement/transition-energetique/abandon-de-la-loi-energie-climat-le-manque-de-cap-inquiete-les-acteurs
7 https://www.lemonde.fr/climat/article/2024/04/18/climat-une-defiance-grandissante-s-installe-dans-notre-communaute-scientifique-vis-a-vis-du-pouvoir-politique_6228470_1652612.html
Bonjour,
Ce joli mois de mai est propice aux saines lectures comme votre lettre dont je partage à 100% les propos et notamment la conclusion : “La collaboration des acteurs de terrain avec les élus locaux constitue LA garantie pour maintenir un territoire viable, vivable et résilient”.
Merci pour votre action et peut-être à Billom demain…
Christine PIRES BEAUNE