jeudi, janvier 16, 2025

La lettre COMB LAB : L’idée de nature : une trajectoire historique…

Tandis que la technologie engendre la mutation des chaînes de valeur et pose la question de l’éthique de la dignité individuelle, que le risque sanitaire révèle la fragilité des chaînes d’approvisionnement elles-mêmes concernées par la nécessaire réorientation des modèles énergétiques et que les politiques d’aménagement sont polarisées depuis quarante ans sur la métropolisation, les gigantesques incendies incontrôlables, les difficultés d’accès à l’eau et les records absolus de chaleur voisinent avec des pluies qui ravagent des villes historiques en quelques heures. Autrement dit, l’expérience concrète de l’évolution du climat à une échelle qui ignore les infrastructures et désarme les forces humaines, relance avec rudesse les principes qui régissent les relations entre les activités humaines les plus contemporaines et la nature.

Du défrichage multiséculaire de l’Europe puis de l’Amérique du nord jusqu’aux actuelles déforestations de l’Amazonie et de l’Indonésie, l’histoire de la relation des humains avec leur environnement est jalonnée de combats contre une nature réputée aussi anarchique qu’obstinément envahissante parce que relevant de la sauvagerie originelle. Mais cette rebelle à la domination des espaces vierges pour l’implantation des activités humaines jamais n’abdiqua.

Aujourd’hui, une part sans cesse grandissante de la population mondiale reconnaît la nécessité de dépasser cette relation dualiste entre nature et sociétés humaines. Les submersions maritimes présentes et à venir, l’inéluctable progression de la désertification et, par voie de conséquence, l’acuité de la question de la ressource alimentaire, poussent des responsables politiques et une part croissante de la société civile à reconsidérer la relation à la nature. De sauvage et ennemie perpétuelle elle prend rang, grâce et à cause des effets délétères de l’extractivité intensive, de sanctuaire de la biodiversité, donc de garant de l’intégrité de la chaîne alimentaire.

Certains considèrent cette approche comme surplombante parce que réduisant de l’extérieur la nature au statut d’’’environnement’’. Ils soutiennent que les humains faisant ‘‘partie intégrante de la nature’’, elle doit être pensée de l’intérieur. Quelle que soit l’approche philosophique et les déclinaisons éthiques qui en résultent, le concept de nature excède l’idée d’espace de détente et de ressourcement, excède aussi celle de réceptacle du renouvellement sociologique de la ruralité. La nature s’inscrit dans l’imaginaire collectif comme mécanisme global et systémique du ‘’vivant’’.

Ainsi, les populations développent une compréhension de la nature plus profonde que la vieille idée de l’indomptable sauvagerie originelle et la considère avec plus d’égard qu’une simple beauté paysagère romantique… à consommer.

C’est ainsi que la question dite environnementale effectue depuis quatre ou cinq décennies des allers et retours entre le scientifique et le politique. Récemment, à côté des chercheurs qui étudient des faits et lancent des admonestations à changer, la société civile a pris des positions fortes avec Greta Thunberg et son opposante allemande, Naomi Seibt, climatosceptique de trois ans son aînée. Les plus jeunes manifestent pour le climat les vendredis après l’école tandis que l’éco-anxiété et la solastalgie1 touchent des jeunes adultes. Pour leur part, les décideurs politiques peinent à requalifier le concept de nature car, comme l’écrit Catherine Larrère, : « dans un champ politique saturé de conflits, l’écologie est une intruse2 ».

Pour sa part, COMB LAB, dépassant la dualité des éthiques environnementalistes, résolu d’œuvrer au plus près du terrain en construisant avec les habitants et usagers des Combrailles, avec ses partenaires scientifiques et associatifs, en réseau avec d’autres localités rurales et urbaines et bien sûr en étroite coopération avec les élus du territoire, un écosystème rural viable, vivable et enviable aujourd’hui, demain et en 2051.

Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

Guillaume prince d’Orange

(Seconde moitié du XVI°)

1 Cf. https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/ecoanxiete-et-solastalgie-quand-la-crise-ecologique-empeche-de-dormir-149976.html?utm_source=AlertesThematique&utm_campaign=12-07-2021&utm_medium=email

2 Catherine Larrère Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. Paris PUF 2017. Vol 1, p. 696.