La lettre Comb Lab : À vents contraires et courants pervers des solutions locales.

L’administration étasunienne interdit l’emploi de mots et d’expressions relatifs à la question climatique et environnementale. L’Union européenne renvoie à une date indéterminée les dispositions concernant cette même thématique. Répondre à l’urgence de réindustrialisation du pays passe par la défaisance de normes environnementales et la renonciation à l’obligation de surveillance des conditions de travail chez les sous-traitants. Vraiment, l’impérieuse prise en charge du changement climatique et de la perte de biodiversité devient variable d’ajustement et perd en crédibilité. De même, la nécessité de réunir les conditions de résilience pour que terroirs et territoires basculent au plus vite dans ‘’l’après-choc-climatique’’ déchoit de son statut prioritaire.
Ces vents contraires agissent en claque magistrale à la face de l’impératif climatique.
Face à ces vents animés par le déni obstiné et la fâcheuse incapacité à prendre en compte le réel dans sa globalité, nombre de journaux, documentaires et interventions sur les chaînes vidéo rendent témoignage du déploiement, sur tous les continents, de l’intelligence collective investie par les localités qui prennent pleinement en compte la dégradation environnementale et construisent la situation d’après.

Mais, ces vents mettent en mouvement des courants sous-marins qui réduisent le champ conceptuel de la mutation climatique en cours. C’est ainsi qu’Alexandre Truc, chargé de recherche CNRS, objectivise le courant de fond pervers tendant à faire s’abîmer les préjudices écologiques dans les filets de la ‘’logique de marchandisation’’.1
« Ce mouvement (de judiciarisation des catastrophes environnementales) implique d’être interrogé à l’aune du risque de marchandisation de l’environnement qui en découle. Le préjudice écologique a en effet été particulièrement défendu comme une solution visant à intégrer le coût de la destruction de l’environnement dans une logique marchande. »
Par son argumentaire soigné, l’auteur offre au lecteur une compréhension claire du risque de réduction des valorisations écosystémiques, sociales, sanitaires et économiques de l’environnement à la supposée valeur marchande de l’environnement. (Exemples les condamnations des auteurs de marées noires). Par suite, les courants pervers emprisonnent les préjudices environnementaux dans les filets du ‘’tout marchandisable’’. (Exemple les ventes de droits à polluer). Cette approche néglige le fait que l’évaluation des dommages relève d’une extrême difficulté car les préjudices peuvent manifester des conséquences dans de nombreux domaines. Au surplus, des dommages d’abord inaperçus peuvent se manifester sur des périodes potentiellement très longues.
Face à la puissance d’inertie des politiques nationales et européennes dans ces domaines, des actions locales et même micro-locales, tournées vers la régénération, sont porteuses d’espoir. Deux exemples parmi beaucoup d’autres, illustrent ce propos. Il s’agit de deux angles morts de la préoccupation écologique et climatique : les sols et la photosynthèse.
Dans le domaine privé allant des grosses fermes jusqu’à l’échelle du jardinier particulier, œuvrer prioritairement au maintien du caractère vivant des sols, c’est assurer durablement des récoltes quantitatives et qualitatives. Soigner les services écosystémiques d’un sol vivant – fertilité, facilitation du cycle de l’eau, captage du carbone – réduit considérablement les risques d’inondations et autres perturbations importantes de la vie économique et sociale.2

Pour ce qui relève du domaine public, incitons nos conseils municipaux qui gèrent les parcelles forestières ayant statut de communaux et sectionaux à proposer des petits lots de coupes qui soient accessibles aux petites scieries plutôt que des gros lots pour les gros scieurs. Cette approche favorise le circuit local car les petites scieries peuvent ainsi offrir du service aux artisans de proximité. Gérer la forêt en éclaircissements successifs la maintient en ‘’vert continu’’. La permanence d’un peuplement forestier assure, sans effort ni mécanisation, la continuité du captage de carbone et de la photosynthèse.
Ces deux exemples montrent une fois encore que le secteur privé et les collectivités locales disposent de leviers puissants pour faire face aux enjeux environnementaux. Nous restons convaincus que l’hybridation du privé et du public aux échelles locales démultiplie la puissance d’agir. Au-delà de la seule puissance d’action, hybrider dans le respect de l’asymétrie des statuts qui distinguent l’élu du citoyen, renforce la conscience que l’action politique peut être un commun.
1 La revue des droits de l’Homme, Revue du Centre de recherche et d’étude des droits fondamentaux.
https://journals.openedition.org/revdh
2 Cf. Corinne Manson & Camille Dreveau, juristes, Vers un véritable droit des sols. Le Un, parution du 25 septembre 2024
